OFF 2025 : Ce qu’on fête, ce qu’on dénonce, ce qu’on invente

Le Festival OFF d’Avignon 2025 s’annonce comme une édition charnière. Aligné pour la première fois depuis 25 ans sur les dates du Festival IN, il multiplie les projets ambitieux, les avancées concrètes… et les signaux d’alerte. Écologie, billetterie, familles, international, conditions des compagnies : on vous raconte tout ce qui bouge (ou résiste) dans cette édition déjà très commentée.
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OFF 2025 : Ce qu’on fête, ce qu’on dénonce, ce qu’on invente
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2025. L’année où, pour la première fois depuis un quart de siècle, le OFF et le IN tombent sur les mêmes dates. Une coïncidence calendaire ? Pas vraiment. Un acte politique, plutôt. L’aboutissement d’un dialogue renforcé entre l’État, les collectivités, les équipes des deux festivals et l’ensemble du territoire. L’idée ? Mieux coopérer, mieux lire, mieux accueillir. Et peut-être, un peu, respirer. Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, le résume en une phrase : « Il y a deux festivals, mais un seul public. »

Mais si cette édition se veut plus lisible, elle n’en est pas moins contrastée. Derrière l’affichage de la coopération, une réalité économique de plus en plus précaire, des artistes à bout, un modèle qui cherche son souffle. Et un OFF qui continue d’avancer, malgré tout.

Un OFF record… sur fond d’instabilité

Plus de 1 700 spectacles, 27 400 levers de rideau, 241 salles, 2,6 millions de billets : les chiffres de cette édition 2025 donnent le vertige. Et sur le papier, on pourrait croire que le OFF ne cesse de grossir.

Mais en réalité, le volume de spectacles joués chaque jour est globalement stable depuis plusieurs années. Ce qui a changé, c’est autre chose : les spectacles restent moins longtemps à l’affiche. Beaucoup de compagnies ne viennent plus pour trois semaines, mais pour une, parfois même quelques jours. Résultat : le nombre total de spectacles programmés sur la durée du festival augmente… mais pas le nombre de représentations par jour.

C’est une donnée essentielle pour bien comprendre l’évolution du OFF : un signe que les compagnies viennent aujourd’hui d’abord pour exister, être vues, se faire repérer. Moins pour s’installer ou tourner.

Et ce qui est certain, c’est que ça bouillonne : un spectacle sur trois est une création jouée pour la toute première fois. Oui, un tiers. De quoi confirmer que le OFF reste un formidable laboratoire de création, le plus grand incubateur du spectacle vivant, toutes disciplines confondues. Et côté genres, le théâtre tient toujours le haut de l’affiche avec 55 % des propositions.

Mais derrière cette vitalité, l’équilibre est de plus en plus fragile. Les tensions économiques rattrapent vite l’effervescence artistique.

“Réussir son OFF, parfois, c’est ne pas le faire”

C’est l’un des moments forts de la conférence de presse. Quand Marie Hurault et Louis Carratini, de la CGT Spectacle, prennent la parole, l’ambiance se tend. Ils décrivent un système où participer au OFF est devenu un passage obligé pour se faire connaître… mais un passage économiquement risqué.

Petit exercice mathématiques. Ne vous inquiétez pas : ils ont fait tous les calculs pour nous. Prenons une compagnie "moyenne" : deux comédiens, un régisseur, une personne à la prod. Comptez 4 000 € de logement, 14 000 € de salaires, 10 000 € pour louer un créneau dans un théâtre, 2 000 € pour les tracts, les affiches. Résultat : 30 000 € à sortir. Pour 12 000 € de recettes billetterie. Même avec un petit coup de pouce du FONPEPS (3 000 €), il reste au bas mot 15 000 € à trouver dans ses fonds propres.

Alors oui, il faut trouver des solutions. Ajuster. Et l’ajustement, c’est souvent la masse salariale. Le travail sous-payé. Le bénévolat. Mais jusqu’à quand ? « À force de faire reposer tout le modèle du spectacle vivant sur la passion et le sacrifice individuel, on oublie que la culture n’est pas un luxe, c’est un droit. »

Les revendications sont claires : maintenir le FONPEPS, protéger le Pass Culture (dans sa part collective), abandonner la réforme de l’audiovisuel public. Et surtout, continuer à faire du OFF un espace de liberté… viable.

Le théâtre, ça commence petit : bienvenue à TADAMM

Avignon, c’est magique. Mais avec des enfants en bas âge ? C’est vite la galère. Cette année, le festival prend enfin le problème à bras-le-corps avec la création de TADAMM, un village pensé pour les enfants et leurs parents. Installé dans l’ancienne école Simone Veil, ce nouveau lieu devient le repère des familles : ateliers, coin jeux, extraits de spectacles, rencontres pros, et surtout… un espace où on peut souffler.

La carte TADAMM (5 € pour les –14 ans) donne accès à plein d’avantages : réducs sur la carte OFF pour les parents, tarifs spéciaux sur les ateliers, petits cadeaux dans les lieux partenaires. Et une promesse implicite : « Grâce à vos enfants, vous aurez des réducs. »

Il ne faut pas oublier que, côté programmation, le Jeune Public ne fait pas dans la figuration, puisqu'il représente plus de 10% des spectacles et plus de 3000 levers de rideau. Ce n'est pas une formule en l'air : en juillet, Avignon devient carrément le plus grand terrain de jeu au monde pour le spectacle jeune public. Oui, oui, au monde. Si vous cherchez où ça se passe pour les enfants (et leurs parents), c'est ici et nulle part ailleurs.

Nouvelle billetterie, nouvelles habitudes ?

C’était attendu, c’est fait : la billetterie Ticket’OFF, jusqu’ici exclusivement en ligne, débarque physiquement au Village du OFF. Pour beaucoup, ce devrait être un soulagement : un endroit pour poser des questions, chercher des conseils, découvrir des spectacles auxquels on n’aurait jamais pensé.

Ticket’OFF regroupe 95 % de la programmation. Et grâce à ce point de vente et aux améliorations techniques côté billetterie, le festival espère une meilleure circulation du public entre les spectacles. Moins de frustration, plus de découvertes.

Et pour détendre l’ambiance, tous les soirs (sauf le mardi), de 19h à 21h : happy hour au bar du Village du OFF. DJ sets, chill house - et tarifs un peu plus doux pour les pros éreintés.

Le Son du OFF : la musique aussi fait sa place

Depuis 2023, le OFF s’est doté de son propre festival musical, avec une programmation émergente et éclectique. Cette année, Le Son du OFF met les femmes en avant. Et ce n’est pas une mince affaire : dans la musique, l’invisibilisation des femmes reste bien plus importante que dans le théâtre. Trouver des groupes portés par des musiciennes ou avec une majorité de femmes sur scène a été un vrai défi.

Résultat : 23 concerts, 19 soirées, dont deux thématiques. Avec le soutien de la Sacem, de la Spedidam, du CNM. Et une conviction : la parité sur scène, ce n’est pas un bonus. C’est une exigence.

Ce qu’on ne voit pas sur scène : un OFF qui structure autant qu’il programme

Pendant que les compagnies s’échauffent et que le public fait la queue sous 35 degrés, il y a un autre Avignon qui s’active : celui de la structuration, des labels, des annuaires, des financements. Et même si ce n’est pas le plus glamour, c’est crucial.

Le Label’OFF, par exemple, c’est un peu la boussole pour repérer les lieux qui font les choses bien. Accueil technique, communication, loges, public… tout est passé au crible, selon 43 critères précis. En 2025, 36 théâtres (70 salles) ont décroché ce label, après audit par un organisme indépendant. Une info à garder en tête au moment de choisir où jouer, où aller voir, où envoyer ses artistes.

Autre levier important : le fonds Émergence & Création. Doté de 250 000 €, il permet de soutenir les jeunes compagnies qui montent au créneau pour la première fois. L’argent ne tombe pas du ciel : il vient en partie de Ticket’OFF, mais aussi de partenaires comme la SACD, la Spedidam ou l’ASTP. En 2024, plus de 218 artistes en ont bénéficié.

Pour fluidifier les rencontres et les prospections, l’annuaire professionnel a été repensé : plus intuitif, plus filtrable, et accessible aux accrédités comme aux compagnies. Et pour que les échanges se fassent ailleurs que dans les files d’attente, deux soirées pros réservées sont prévues les 11 et 18 juillet, en plus des apéros ouverts à tous.

Et si on a un enfant ? Avignon peut vite devenir une impasse. AF&C a lancé un sondage qui parle de lui-même : 1 artiste sur 2 a déjà renoncé à participer au festival faute de solution de garde. Un groupe de travail est en place, une crèche éphémère est espérée pour 2026. Ce n’est pas encore réglé, mais au moins, ça avance.

Et parce que tout commence souvent par un texte, une soirée spéciale auteurs et autrices est programmée le 18 juillet, en partenariat avec Actes Sud. L’occasion de célébrer les 40 ans de la collection Actes Sud Papier, et de rappeler qu’avant la scène, il y a une plume.

Moins de CO2, plus d’idées : un OFF en transition

C’est discret, mais ça bosse : côté écolo, le OFF commence à concrétiser. L’an dernier, une trentaine de compagnies ont tenté le fret ferroviaire pour transporter leurs décors. Résultat ? 23 tonnes de CO2 économisées. En 2025, elles seront 100 à en bénéficier, grâce au soutien de l’ADEME, de la Région Sud, du CNM, et du transporteur LOMAK.

Et parce que partager les bonnes pratiques, ça compte, un livre blanc est en cours pour permettre à d’autres festivals de suivre le mouvement.

Dans la même logique, les horaires de TER sont étendus jusqu’à 23h30 au départ d’Avignon vers 15 communes alentour. L’idée ? Loger ailleurs, mieux respirer, moins polluer. Et rendre l’Avignon OFF un peu moins étouffant, au sens propre.

Ajoutez à ça un bilan carbone en préparation (avec WeCount), et un guide du festivalier écoresponsable distribué en juillet. Pratique, clair, partagé entre le IN, le OFF et l’Office de tourisme. Parce que faire la fête, oui, mais pas n’importe comment.

Accessibilité, VSS : du concret, pas des cases à cocher

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles continue de se structurer. Référents présents sur site, kit de communication, signalétique visible, webinaires, interventions de Safer et d’Addictions France : tout est mis en place pour que la parole puisse circuler, et que chacun sache vers qui se tourner.

Côté accessibilité, plusieurs chantiers : pictogrammes dans le programme, fauteuils roulants à disposition, parcours cartographiés, mais aussi travail avec les créateurs et créatrices pour penser l’accès dès la conception du spectacle. Pas juste un label, mais une habitude à prendre.

Le OFF parle toutes les langues (et les accueille)

Le Brésil est à l’honneur cette année. Deux jours de fête pour ouvrir le bal, 11 compagnies programmées, de la danse, du théâtre, des concerts et des rencontres au Village du OFF.

Un focus Asie Centrale permettra aussi de découvrir des créations venues du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan. Et pour les compagnies étrangères, les bourses Off’Grants (20 000 €) sont toujours là pour alléger un peu le coût du voyage.

Le programme WYPPAM double ses effectifs : 108 jeunes pros du monde entier viendront vivre Avignon de l’intérieur. Et pour pousser plus loin les connexions, des pitch sessions sont prévues les 11 et 12 juillet pour que les artistes présentent leurs projets à un panel de pros français et internationaux.

2026 : le OFF aura 60 ans. Et il n’a pas dit son dernier mot

L’an prochain, le OFF fêtera ses 60 ans. Parade géante, expos, parcours en ville, appli pour les pros, accompagnement logement, focus Méditerranée… La fête se prépare avec l’envie d’impliquer tout le monde : artistes, lieux, public.

Parce qu’Avignon, malgré ses contradictions, reste un espace unique. Et que ce festival, même fragile, continue de rassembler. Peut-être même que c’est dans cette tension entre foisonnement et fragilité qu’il puise sa plus grande force.

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