On a fait la checklist spectateur de Jerusalem !

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On a posé 11 questions aux créateurs pour le découvrir – des questions que tout spectateur se pose avant d'entrer en salle. Et leurs réponses dépasse largement ce qu'on pourrait imaginer.
Non, justement pas du tout. L'opposé, même. Bien sûr, l'auteur a dû se plonger dans la documentation sur la Shoah pour l'écriture – une épreuve en soi. Mais c'est précisément pour ça que la pièce déborde d'humour. Il a fallu compenser. Le résultat ? Un public touché, ému, mais jamais dans le noir total. Les larmes, oui. La dépression, non.
C'est justement là où la pièce refuse de jouer le jeu. Pas de camps, pas de frontières : ce dont on parle, c'est des douleurs. La vôtre, la leur, les nôtres. Elles se mélangent, s'écoutent, se comprennent. Et le message s'impose tout du long : on était ensemble dès le départ, une seule famille, au-delà des croyances et des différences.
Non. Et le mot "haïr" n'a d'ailleurs pas sa place dans ce spectacle. Ce qui change ici, c'est le paradigme : on parle de mémoire, pas de slogans ou de statistiques. La politique qu'on explore, c'est celle qui nous a menés ici – des choses humaines, des mémoires, des émotions. Comment pourrait-on haïr ça ?
Et le timing n'est pas innocent : la pièce a été écrite bien avant la situation actuelle. L'intention était justement de dire que c'est une situation tellement complexe que personne ne la comprend. Pendant 1h15, le théâtre vous force à écouter. À essayer de comprendre un peu.
Oui. Ou plutôt, ses ancêtres. Renouer. Reparler avec des personnes de son passé. Pour beaucoup, cela pourrait susciter l'envie d'appeler ses parents et de poser enfin les questions : « Dis-moi, comment c'était pour toi ? Qu'est-ce que tu as vécu ? » Des histoires de famille qu'on ne connaît pas vraiment. Pendant la tournée, des enfants sont venus aux représentations scolaires et sont revenus le soir avec leurs parents. C'est rare, et c'est touchant. D'habitude, c'est dans l'autre sens : ce sont les parents qui imposent le théâtre aux enfants.
C'est le principe même de l'écriture !Une fois qu'on a passé l'élément déclencheur et qu'on rentre dans l'histoire, l'époque n'a plus aucune importance. Qu'on soit au 7e siècle ou au 25e, ça ne change rien. C'est la magie du théâtre : une fois que les lumières s'éteignent, on ne sait plus où on est. Et il y a quelque chose de fascinant qui se produit : en jouant quelque chose qui se passe dans les années 30, vous vous retrouvez à vous demander « attends, on parle de quoi, là ? » Parce que ça résonne hyper fort avec aujourd'hui. Ça fait prendre du recul, digérer certaines choses, sortir de son paradigme.
Oui ! Car au-delà des origines juives, la pièce parle d'identité. Et c'est justement sa force : ça peut faire écho à ceux qui ont des grands-parents ou arrière-grands-parents venus d'ailleurs, d'une autre religion, d'une autre région du monde. Ce n'est pas axé sur la religion juive ou musulmane : c'est vraiment sur les origines, les racines. Chaque spectateur projette ses propres émotions, sa propre vie. C'est un miroir universel.
Clairement. La pièce soulève plein de questions : où c'est ? À quoi ça ressemble ? Jérusalem, c'est cette ville que tout le monde revendique et qui n'appartient à personne. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que l'endroit qui crée le plus de crispations identitaires au monde est aussi celui qui a l'identité la moins "pure". Complètement diluée. En grattant un peu, c'est toujours été un mélange. Ça offre un autre prisme de lecture sur toute cette histoire.
Halte-là. Ce serait bête. Le vrai question, c'est plutôt : comment regarder les bonnes infos ? Comment se questionner sur ce qu'on regarde, qui on écoute ? C'est quoi, un média ? Est-ce que parce qu'un média nous déçoit un jour qu'ilil faut cracher sur tous les journalistes ? Non. C'est plutôt : recoupez vos sources (c'est facile aujourd'hui), vérifiez. Regarder les infos, c'est comme aller au théâtre – ça demande de faire marcher son intelligence.
La vraie réponse du théâtre à la boulimie informationnelle, c'est de vous permettre de poser votre téléphone. Pendant 1h20, rien ne vous dérangera. Juste l'histoire, juste l'émotion. Et après, allez voir les infos, parlez-en. Mais vous aurez pris du recul, vous serez sortis de votre bulle. C'est ce qui manque : cette capacité à s'écouter au-delà de sa communauté.
C'est le principe même de l'art. Même une pure comédie vous fait sortir avec des questions et des émotions plein le cœur. Mais là, il y a une question primordiale qui monte à la fin – une qui respire l'espoir et qui montre à quel point cette pièce est faite pour la réconciliation. On ne vous la spoile pas, évidemment. Faut venir la voir.
C'est l'essence même de la pièce. Entendre avant de comprendre – c'est le début de toute relation. Et c'est exactement ce qui manque à nos sociétés : prendre le temps d'écouter. Se dire : okay, je comprends ce que tu as vécu, ton expérience est différente de la mienne, et ça ne veut pas dire que tu mens.
La pièce commence par deux personnes qui veulent chacune récupérer une maison qu'elles pensent être la leur. Et c'est en essayant de comprendre l'autre qu'elles comprennent d'où vient vraiment le conflit, comment le résoudre.
Parce que comprendre l'autre, c'est aussi comprendre pourquoi il y a un conflit. Et comment le dépasser.
Ah oui ! Les équipes n'osaient pas trop le dire la veille de la première, mais les retours sont clairs : les gens passent du rire aux larmes. Il y a toutes les émotions. On bouge, on voyage, il y a les personnages absents, il y a tout. Des tunnels d'émotions ! À la fin, tout paraît léger. Aérien.
Non, en tout cas ce n'est pas le but. On n'est pas là pour lutter contre les infos qui passent à la télé. On ne raconte pas le présent : on raconte le passé. Et il se trouve que, de manière fascinante, ce passé peut être complètement calqué sur le présent. Le vrai questionnement à la fin, c'est : voilà le passé, voilà nos histoires communes, on en fait quoi aujourd'hui ? Pour comprendre la situation internationale, les gens n'ont pas besoin de nous.
Notre boulot, c'est de raconter des histoires. Et c'est vrai qu'on ne règle rien – ce n'est pas l'idée. Les personnages ne règlent rien non plus. Mais par leur existence, par le fait qu'on les écoute et qu'ils s'écoutent, peut-être que à travers eux ça peut régler des choses. Sauf que ce n'est pas nous qui le faisons : c'est vous, ensuite, qui partez avec. Et si vous repartez ne serait-ce qu'avec une question de plus dans votre tête, une curiosité, je pense que c'est déjà une belle victoire.
Je vois notre pièce comme une pièce refuge. Quand tout va mal, quand tout est sombre, quand on en a marre de voir ce qui se passe à la télé : venez chez nous. Venez nous voir. C'est un refuge. Vous allez sortir de là au minimum avec des histoires de plus dans la tête, et au mieux avec beaucoup d'espoir, beaucoup de joie, et gonflés à bloc !
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