La critique de l'Affiche
.webp)
L'avis de
Angèle
Jehan Rictus, au début du XXè siècle a voulu faire entendre la voix des miséreux, dans des poèmes qui adoptent leur langue (l’argot parisien) et leur prononciation faubourienne. Ceux qui s’expriment sont des enfants harassés et maltraités, de pauvres filles de joie, ou la malheureuse vieille mère d’un guillotiné. Leur vie est sombre, désespérée, pleine de souffrance et de violence : quand il fait parler de enfants terrifiés par leur père, la menace de l’inceste est clairement évoquée, ou celle du féminicide quand une petite frappe de la zone considère la fille qu’il a séduite comme sa possession. Jehan Rictus ne cache rien, n’embellit rien, sinon par sa langue poétique. Ces textes pourraient paraître misérabilistes à la lecture, mais Agathe Quelquejay a vu le potentiel d’incarnation qu’ils recèlent et leurs échos avec des thématiques très actuelles. L’actrice a choisi six textes, six personnages, de l’enfance à la vieillesse : grâce à quelques modifications de costumes très bien pensés, elle passe de l’un à l’autre et les fait vivre. La langue particulière de Jehan Rictus, ainsi puissamment incarnée, ne pose plus aucun problème de compréhension. Le tour de force d’Agathe Quelquejay est de rendre l’âpreté, la violence de ces vies très frustes, tout en faisant sentir leur dignité bafouée, et donc la dimension politique de l’œuvre. Son jeu plein d’âme est à la fois fort et délicat, à la hauteur de la grande humanité de ces textes qu’on redécouvre.