La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
J'ai adoré le spectacle présenté par Sedef Ecer l'année dernière au Festival d'Avignon, Paris-Istanbul, dernier appel. J'avais aimé cette manière de convoquer ses souvenirs d'enfances, cette façon de presque ausculter le monde pleine de finesse et de nuances, tendre et lucide, qui raconte sans jamais se voiler la face. Je n'ai pas hésité longtemps pour Trésor National.
Décidément, l'écriture de Seder Ecer est faite pour moi. J'ai tout de suite retrouvé ce qui m'avait conquise : cette façon bien à elle de mêler le romanesque et le politique, de raconter une époque à travers une femme. Le spectacle rassemble tous les ingrédients d'un grand récit : une histoire d’amour qui fait rêver avec juste ce qu’il faut de remous pour faire battre le cœur, un récit haletant qui garde ses secrets jusqu’au bout, un contexte historique trouble dans lequel on est projeté - et qui irrigue l'histoire sans jamais l'écraser.Le tout porté par une troupe habitée, qui donne vie à des personnages justes, à une époque trouble, et à une atmosphère tout en clair-obscur.
Encore un voyage, me direz-vous. C'est vrai. Mais si on est beaucoup parti en Iran, en Allemagne, ou dans diverses époques en France ces dernières années, c’est plus rare que la Turquie s’impose comme destination. Et quel décor pour la fiction ! Elle n’est pas juste un arrière-plan : elle est une force mouvante, électrique, instable, qui accentue encore les contrastes du spectacle. À la fois élégant et fougueux, à l’image d’Esra, son héroïne. À la fois intime et politique, à l’image de cette Turquie en quête de stabilité. À la fois libre et inconfortable, à l’image de cette histoire d’amour qui sort du cadre.
Sedef Ecer, deuxième rencontre, deuxième évidence. Moi qui suis toujours à la recherche de nouveaux livres à lire, je crois que j’ai trouvé une autrice qui m'accompagnera longtemps.