La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
Allez, on va se libérer d'un truc tout de suite : c'est une pièce de jeunesse. Avec ses défauts et ses longueurs. C'est sans doute pas la meilleure pièce de Wajdi Mouawad, on ne lui en aurait pas voulu de couper un peu, mais en même temps on s'en voudrait de ne pas en parler. Parce malgré ses maladresses, on voit naître Mouawad, et cette écriture a quand même quelque chose. Si j'ai décroché pendant la dernière partie du spectacle, je dois reconnaître aussi de véritables fulgurances d'écritures, une troupe de très haut niveau et de grands moments de théâtre.
J'ai quelques réserves sur le spectacle mais il y a quelque chose qu'on n'enlèvera jamais à Mouawad : c'est sa puissance d'évocation de la guerre. La scénographie est simple, mais tellement efficace. L'orage qui gronde se mêle aux bombardements que seuls les protagonistes savent différencier. On a peur pour eux, mais ils continuent de vivre. Dehors, c'est la fin du monde, mais à l'intérieur on s'engueule pour des histoires de patates. Tous semblent à la fois attachés à leur quotidien et au bord du craquage total. Après Mère, je me réjouissais de retrouver un spectacle de Mouawad en libanais. C'est lui qui m'a fait découvrir cette langue si imagée et qui est à l'origine de tellement de rires dans ses pièce. Les punchlines de l'arabes sont une source de comique qui semble inépuisable.
Il emprunte à plein de genres, sans jamais s'arrêter vraiment sur un seul, et parvient à créer une atmosphère complètement particulière. On pense à Shakespeare dans cette manière de mêler l'horreur et le quasi-grotesque. On pense à Beckett ou Ionesco devant l'absurdité de certaines situations, de certaines réflexions. C'est Macbeth qui joue dans Les Chaises. Richard III qui rencontre Fin de Partie. On peut tout faire sur scène quand les bombes tombent par-delà les murs. Tout devient à la fois dérisoire et essentiel. Tout est acceptable face à la mort. Même un spectacle pas complètement abouti.