La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
C'est peut-être la moins ionescienne de toutes les pièces de Ionesco. La moins ionescienne parce que la plus frontale, peut-être. Si Ionesco parle toujours du genre humain dans ses pièces, là, le sujet est clair et nous touche tous : on parle de l'homme face à sa finitude.
C'est évidemment un sujet qui me touche énormément. La mise en scène fait entendre distinctement les étapes du processus d'acceptation de cet homme face à sa mort prochaine. On entend clairement le désespoir de cet homme qui ne s'est pas préparé à la mort. Cet homme qui a oublié qu'il était mortel, cet homme qui n'imagine pas un monde tourner sans lui. On le voit négocier, tergiverser, essayer d'échapper, gronder mais rien à faire. Le temps se déroule, les minutes passent, la mort se rapproche. Inéluctable. Alors il abdique.
Quel bonheur de réentendre ce texte absolument sublime. Ionesco touche ici à l’essence même de notre condition : nous allons tous mourir. Tous, dans la salle, d'où que nous soyons, rois ou anonymes, nous partageons ce trait. Et il en fait un spectacle. Il le fait tragique, il le fait parfois ridicule, il le fait lucide et surtout profondément humain.
Et même si le sujet est grave, l’absurde rôde. Le désordre qui règne dans ce royaume a quelque chose de risible. Le roi est assez inattendu, plutôt enfantin, comme pour rassurer le spectateur sur sa propre condition : on est encore au théâtre et il est encore l'heure de rire. Et pourtant on entend. La fragilité. Le temps qui passe. La mort qui guette. Et on entend même des choses qu'on n'avait pas entendues jusque-là. Sur la fin du monde, sur les crises à répétition qui ne peuvent qu'évoquer le désordre climatique. Serait-on en train de détourner les yeux… deux fois ? De notre propre fin. Et de celle de notre monde.