La critique de l'Affiche
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L'avis de
Angèle
Neuf acteurs sur scène ! Ce n’est pas courant au Off, ou dans le théâtre privé en général. Cette prise de risque indique bien que le projet tient à cœur à ses concepteurs : remonter une pièce américaine qui a eu son heure de gloire en 1968. The Boys in the band fut une création importante car elle mettait pour la première fois sur scène des homosexuels sans intention satirique ou comique. Les personnages sont « réalistes » : l’auteur veut représenter la communauté gay de New York à une époque où l’homosexualité était encore criminalisée et vécue clandestinement.
On pénètre dans une fête d’anniversaire donnée chez Michael pour un certain Harold, qu’on attend. Tous les invités sont gays, heureux de se retrouver à l’abri des regards extérieurs, en couple pour la plupart, avec des problèmes de couple. L’auteur a voulu donner un pannel des situations possibles : couple fidèle, libre, plus ou moins égalitaire ou bien accordé, plus ou moins en rupture sociale. Michael est le meneur de jeu. Il va se servir d’Alan, un ami d’enfance marié introduit dans cette fête qui affiche son homophobie, pour un jeu qui permettra aux personnages de mieux se révéler.
On voit le rôle qu’a pu jouer cette pièce pour l’acceptation de couples gay : on y parle d’attachement et d’amour autant que de sexe, mais aussi de la difficulté d’une vie amoureuse clandestine. Pour autant, ces couples ne sont jamais idéalisés.
Fallait-il remonter ce texte ? Il est essentiellement psychologique, parfois verbeux. Le regard social sur les gays a beaucoup évolué, et l’homosexualité vécue dans la culpabilité du personnage de Michael, qui le rend amer et méchant, paraît datée.
Cependant, j’ai été convaincue par cette production. Le décor, les costumes et la musique nous plongent immédiatement dans l’ambiance de ces années 60. Tout est soigné dans les moindres détails : cette création d’atmosphère est une des grandes réussites du spectacle. Le texte a aussi des qualités : il sait ménager une attente, autour d’Harold et surtout d’Alan, et varier les tons ; il n’impose aucun jugement de valeur et reste ambigu. Mais surtout quelle troupe ! On sent que chaque acteur défend son personnage avec ferveur. Grâce à eux, on a un vrai plaisir de théâtre, et on vient à penser que, oui, il était bon de remonter cette pièce presque 60 ans après sa création, à titre quasiment archéologique, pour mesurer le chemin parcouru.