La critique de l'Affiche

L'avis de
Martin
"Écoutez leur silence", c'est avant tout un spectacle sur la souffrance. Immergé dans ce centre pour adolescents, on découvre leurs traumatismes, leur gestion de la douleur extrême. On est glacé par ces épreuves par lesquelles personne ne devrait passer, et encore moins des jeunes. Ils ont été abandonnés, violés, harcelés, rejetés. Et ils se retrouvent ensemble, aux côtés d'une éducatrice impliquée, engagée mais aussi submergée face à la montagne qu'il faut gravir.
On y voit la réponse du système à cette souffrance qui passe par les règles, que ces jeunes ont du mal à accepter. On y questionne les méthodes, censées panser et qui souvent attisent. On y témoigne de la cruauté des jeunes entre eux, de leur impulsivité, de leur envie de vengeance : synonymes d'une gestion difficile de la douleur.
Ce spectacle est une sorte d'autopsie d'un monde qu'on entend peu. De la souffrance qu'on ne voit pas - ou qu'on refuse de voir. C'est aussi un formidable coup de projecteur sur la complexité de ces situations. La société doit protéger la jeunesse, mais comment la rattraper une fois qu'elle a failli ? C'est comme des noeuds serrés quasi impossibles à dénouer : parce qu'ils sont tous faits différemment, parce qu'ils ne se laissent pas démêler, parce que personne n'a le mode d'emploi.
Mais ce qu'on comprend entre les lignes et qui fait de cette pièce un très beau moment, c'est l'importance d'être ensemble. Oui ces jeunes sont parfois violents entre eux, ils se charrient, ils s'embrouillent, ils touchent des endroits sensibles. Mais ils parlent, ils se soutiennent - parfois avec maladresse entre eux - et ils finissent par se soigner.
C'est finalement un spectacle sur la vie. La vie en communauté. La force du collectif. C'est sans filtre, c'est intense, c'est prenant. C'est formidablement joué. L'honnêteté m'oblige à vous dire qu'il y a quelques imperfections de texte et de rythme mais cela reste très pur et très beau. Allez l'applaudir pour engager une réflexion, pour mieux comprendre et pour avoir un regard qu'on n'a jamais eu sur la vie. Car c'est quand tout est détruit que l'on peut voir comment la vie se (re)crée.