La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
J'ai un souvenir un peu ardu de ma rencontre avec Jarry. Ubu Roi, c'est pas un texte facile. Les merdre font sourire mais soulignent cette langue ardue. C'est innovant, mais compliqué. J'appréhendais un peu. Ubu Président, lui, emprunte à Ubu Roi sa substantifique moelle – l’absurde, le grotesque, le pouvoir en roue libre – mais il le propulse dans notre monde. Et ça fait mouche !
Bienvenue en absurdie. L'adaptation est redoutablement efficace. La réactualisation rend le texte plus proche, plus accessible. Ce sont nos références à nous. C’est notre paysage politique qui défile, notre actualité en miroir déformant. Et ça tape juste. Avec des passages obligés qu'on connaît bien : les promesses, les sondages, les medias. C'est un texte qui n'a peur de rien, une ode au nivellement par le bas. Ici, le message passe par le too much. On n'est pas dans la punchline, on est dans la trouvaille politique, on est dans l'art de vendre du vent, on est dans la démagogie poussée à son paroxysme.
La mise en scène suit ce délire jusqu'au bout. L’esthétique est grotesque, volontairement moche – parce qu’ici, tout est moche. C'est féroce, corrosif, sans concession. La critique est acerbe. Tout se passe sur un ring, comme si chaque avancée dans les sondages était un KO. Mention spéciale à Stéphane Miquel, qui incarne un Père Ubu terrifiant. Ce président-là a des accents de Trump, une énergie effrayante. Il fait rire – et froid dans le dos.