
Oh les beaux jours
Winnie parle pour ne pas sombrer. Coincée dans un monticule de sable qui la dévore peu à peu, elle s’accroche à ses souvenirs, à ses gestes, à tout ce qui peut encore faire “une belle journée”. À côté, Willie répond à peine. Dans ce face-à-face minuscule et vertigineux, Beckett raconte une femme qui tient debout par la seule force des mots — obstinée, fragile, lumineuse, comme un dernier morceau d’espoir.
La critique de l'Affiche
L'avis de
Mordue
Monter Oh les beaux jours, c'est s'attaquer à l'un des textes les plus exigeants du répertoire. Ça demande une actrice hors norme et un metteur en scène à la hauteur. Alain Françon et Dominique Valadié ? L'alliance est imparable. On réserve sans hésiter.
C'est évidemment somptueux. La toile peinte de Jacques Gabel nous plonge d'emblée dans un état contemplatif, celui qu'exige ce texte si singulier de Beckett. Les lumières atteignent un raffinement qui brouille notre perception du temps : on croit suivre les heures d'une journée, puis le doute s'installe. Sont-ce des nuages qui passent, ou les jours qui défilent ? Rien n'est certain.
Jouer avec le bas du corps enseveli dans le sable impose un haut du corps irréprochable. Dominique Valadié va plus loin : elle a quelque chose de magnétique. Ses mouvements de bras, grâce de danseuse et précision de comédienne, deviennent hypnotiques. Difficile de détacher le regard.
C'est toujours fou de réentendre ce texte. J'ai eu peur que ça s'essouffle, mais Dominique Valadié tient le cap. Les quelques longueurs qui menacent sont rattrapées in extremis. Elle fait passer cette idée essentielle : tant qu'on est deux, l'espoir persiste. Être heureux malgré tout. Continuer la partie, continuer d'essayer. Et dès que la tristesse pointe, vite, se reprendre. Ne pas sombrer. Ne pas lâcher. Mention aussi pour Alexandre Ruby, partenaire de jeu souvent de dos, presque invisible — et pourtant d'une précision de jeu sidérante.
Dans la salle, le silence est religieux. Elle marche sur un fil : son monologue frôle la monotonie, comme une conversation qui s'étire sans éclat, ne s'autorisant que rarement des effets appuyés. Des émotions simples affleurent — une vraie joie sur ces fameux beaux jours, un charme de jeune femme séduisante quand elle évoque ses souvenirs, une justesse touchante face à l'éphémère. Et parfois le rythme se brise. Une pensée traverse, vient fissurer ce quotidien conçu pour ne pas trembler, ces jours qui se ressemblent pour mieux tenir debout. Comme si soudain on s'autorisait à penser vraiment.
Et avec cette pensée, tout ce qu'on retenait remonte : la peur, la fin qui approche, l'impossible à tenir. Dominique Valadié nous fait traverser quelque chose de rare : cette résilience têtue face à ce qui s'achève, cette beauté dans l'obstination à continuer. Malgré tout.
Les contenus
Galerie

Bande-annonce
L'équipe artistique
De Samuel Beckett
Mise en scène Alain Françon
Avec Dominique Valadié, Alexandre Ruby
Dramaturgie Nicolas Doutey
Décor et costumes Jacques Gabel
Lumières Jean-Pascal Pracht
Maquillages coiffures Cécile Kretschmar
Assistant mise en scène Maxime Terlin







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