La critique de l'Affiche
L'avis de
Angèle
Andromaque est ma pièce de Racine préférée, car c’est la tragédie des jeunes. Tous les héros, sauf Andromaque, sont des « fils/filles de », écrasés par les figures parentales ou par le destin de leur famille. Tous sont à vif, réagissant impulsivement, sous l’effet des passions qui les travaillent, dans le monde chaotique d’une après-guerre. Les revirements incessants de ces personnages sans repères déclenchent parfois des rires chez les spectateurs, chose unique chez Racine.
Le premier atout de cette mise en scène d’Anne Coutureau est que cette pièce de jeunes gens est jouée par de jeunes acteurs. La fougue, la réactivité immédiate, ils et elles les portent dans leurs corps.
Disons tout de suite aussi le travers du spectacle : il est, en l’état, trop long (plus de deux heures). Anne Coutureau a-t-elle voulu soumettre la nervosité des personnages à un ralentissement général (par la diction de l’alexandrin, par les silences) pour mieux mettre en relief les moments explosifs, ou est-ce lié seulement à la représentation que j’ai vue ? Si c’est un parti pris, il va trop loin, d’autant que les intervalles entre les actes donnent lieu à de quasi chorégraphies (très bien réglées d’ailleurs) qui nuisent à la tension dramatique.
À cela près, cette mise en scène réserve de très bons moments. Les codes de la tragédie sont assumés : sur le plateau nu, les personnages surgissent de la nuit pour s’y réengouffrer ; les conflits frontaux sont soulignés par le choix des costumes, dans une palette qui va du blanc de la fiancée qu’est Hermione aux noirs voiles de veuve d’Andromaque ; les lumières soulignent pertinemment la catastrophe en marche. Le dépouillement de la scène laisse toute la place aux corps et aux voix : tout repose sur les acteurs. Et ils sont à la hauteur de ce grand texte. Le travail des voix est évident, portant sur la puissance, le souffle, la gradation, le cri étant l’exception. Chacun va chercher les limites de son personnage : pulsion de mort pour Oreste, ressentiment de l’humiliation pour Hermione, horreur de son vainqueur pour Andromaque, culpabilité du bourreau pour Pyrrhus. Tout en conservant la dignité tragique, ils trouvent des accents très modernes pour rendre des sentiments qui les mettent tous aux portes de la folie. Cela donne beaucoup d’éclat aux morceaux de bravoure de la pièce. À ces moments-là, le silence de la salle est éloquent : le souffle de la tragédie passe.






















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