La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
Le théâtre, c'est ma porte d'entrée vers plein d'oeuvres. Il me permet de découvrir, toucher du doigt, comprendre un peu certains auteurs que je ne lirais jamais autrement. Parce que je n'en ai pas le temps, parce que je n'en ai pas l'envie, ou tout simplement parce que c'est trop difficile pour moi.
Je ne vais pas vous mentir, saint Augustin, c'est de la philo pure et dure. Je n'ai jamais été très douée en philo. Autant vous dire que ce spectacle, c'est ma seule possibilité d'approcher un texte pareil. Le gars pose une question et il va l'explorer sous tous les angles sans rien lâcher. Sachant cela, vous avez un choix à faire. Soit vous avez envie de vous aventurer sur ce terrain, soit vous avez franchement la flemme. En même temps, ce que je dis n'est pas tout à fait vrai. Les vrais flemmards ne seraient pas sur cette page. Si vous êtes ici, c'est que fondamentalement il y a une ouverture pour ce spectacle. Que vous pouvez vous croire flemmard, mais que vous êtes aussi curieux. Et je crois que cette curiosité peut suffire pour apprécier le spectacle. Le spectateur apporte sa curiosité, le spectacle fait le reste.
Et il faut reconnaître qu'il le fait merveilleusement bien. C'est étonnamment limpide. Seule, j'aurais sans doute lâché au bout de trois pages. Mais les interrogations de Stanislas Roquette en Saint-Augustin accrochent. Il transmet le texte plus qu'il le vulgarise en devenant saint Augustin lui-même. La scène est vide, et je dois dire que je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais pas à une "vraie mise en scène", ni à une telle puissance d'incarnation. Il est comme possédé par ses interrogations. Il traduit, partage, transmet, sans en avoir l'air. Juste en semblant lui-même passionné par son sujet. Il accompagne le texte avec son corps et utilise l'espace pour imager sa réflexion. Sans forcer, il donne vie à la pensée de saint Augustin. Mieux encore, il fait exister le fil de cette pensée, du questionnement initial en passant par les hypothèses jusqu'aux tentatives de conclusion.
Et puisqu'il nous donne accès à l'esprit du philosophe, nous voilà partis pour une heure de dissertation philosophique autour de la question du temps. Et quelle question passionnante ! Comme souvent dans cette matière étonnante, le concept qu'on croit quotidien semble nous échapper toujours plus au fil de nos recherches. Et lorsqu'arrive la conclusion que le présent n'existe pas - saint Augustin et Stanislas Roquette vous expliqueront cela mieux que moi - c'est presque une évidence. Comme si nous avions nous-même participé à la démonstration. On n'aurait pas parié là-dessus. Trop fort, Stanislas Roquette !