La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
Quand on raconte une histoire d'amour, il y a plusieurs axes possibles. On peut parler de l'avant, des premiers frissons, des papillons dans le ventre, des promesses qu'on se fait. On peut parler du pendant, de la tendresse infinie, de l'épaule sur laquelle on s'appuie, de la passion qu'on vit. Et on peut parler de l'après. Ici, on est plutôt dans l'après. Mais peut-être aussi dans l’avant de quelque chose d’autre.
Ce spectacle a bien choisi son titre. C'est exactement ça. Ce qui reste. Car il reste des choses. On les sent. On les voit. Ça vibre, entre eux. On est suspendu à leurs lèvres. On découvre ce qu’ils ont été, comme un roman d’amour qu’on reouvre, on espère ce qu’ils pourraient redevenir, et on prend la réalité en pleine face. Il y a ce qu’ils ont vécu, et l’urgence de ce qui est en train de se jouer. Une histoire qui avance, des rebondissements, une tension, du mystère. Pourquoi est-elle venue ? Que cherche-t-elle ? Et si ces retrouvailles n’étaient pas un hasard ?
Le texte est très bien ficelé. Il y a quelque chose de très authentique sur le rapport à un ancien amour. On se reconnaît parfois, on reconnaît ce pincement qu'ils décrivent, ces regards qu'ils se lancent. Sous une légèreté apparente, on parle de tout et de rien — et soudain, on rouvre une conversation vieille d’un an. Ils abattent leurs cartes. Le pouvoir circule, la balance s’inverse. Combat ou drague ? Jeu ou duel ? Séduction ou revanche ? Difficile à dire.
Et c'est sûrement pour ça que c'est si haletant. On se tourne autour, on se jauge. Il y a des silences. On cherche à dire quelque chose mais l'émotion retient les mots. Les comédiens sont parfaitement complices, dans leurs mots, dans leurs regards, dans leurs gestes. On sent l'évidence entre eux. Le désir est là, on a envie de leur dire "mais allez-y !" mais il y a aussi l'orgueil, la raison, et toutes ces choses qui s'agitent autour d'eux.
Ce spectacle interroge ce qu’on met derrière le mot « aimer ». Elle l'aime à la folie, lui plus calmement peut-être. Deux formes d’amour incomparables, inquantifiables, et pourtant ils ont tous les deux souffert. Ce spectacle ressemble à ce que c'est que d'aimer. C’est flou, mouvant, insaisissable. C’est là. Tout simplement. Et lutter ne sert à rien.