La critique de l'Affiche
L'avis de
Mordue
Dans "Luchini lit Hugo" vous lisez quoi, vous ? Luchini ? Oui, moi aussi. Luchini dit, et à raison, que c'est fou de remplir des salles pareilles pour écouter du Hugo. Mais enfin, Fabrice ! Qui est là pour Hugo ? Je venais pour Luchini. Luchini lit bien ce qu'il veut, tant qu'il est là, je viens. Je suis presque étonnée d'entendre à ce point Hugo. J'avais presque oublié Hugo. Pas grand monde dans la salle n'est là pour Hugo. Non, la vraie magie, c'est qu'on soit tous là pour Luchini, et qu'on reparte tous un peu grandis du Hugo qu'il nous raconte.
Evidemment, il y a le personnage. Celui qui interdit à son public de tousser pour ne pas gâcher la beauté des mots qu'il prononce. Celui qui raconte Hugo avec un brin de démence dans le regard. Fabrice Luchini se dit impressionné par la qualité d'écoute. Il la rend à Hugo. Certes. Mais il est indéniable qu'il ajoute quelque chose à Hugo. Il nous le transmet de la meilleure des manières qui soit : avec amour et passion. Il est là pour lui-même presque autant que pour nous : il s'amuse avec ces mots qu'il partage, il joue avec eux, il les savoure. Imaginez ce gars sur scène fou d'admiration pour cet auteur qu'il adore. Il raconte l'histoire d'Hugo, les anecdotes et les textes avec tant de ferveur qu'on ne peut que le suivre. C'est le roi du teasing, Luchini. C'est l'incarnation, au théâtre, de cet emoji qu'on connaît tous avec des étoiles dans les yeux. Il sait nous mettre en haleine, avant même qu'il nous dise les mots qui l'éblouissent autant.
Et quand ils sortent, ces mots qu'il nous a tellement vendus qu'on ne pourrait presque qu'être déçus, il y met encore plus d'ardeur, si c'est encore possible, et tout éclate. Il incarne, il vit, il sublime. Et plus il déclame, plus toute la salle, petit à petit, se met à avoir des étoiles dans les yeux. On devient une armée de spectateurs avec des étoiles dans les yeux. Tout d'un coup, plus rien n'existe que les mots de Hugo. On se surprend à se demander pourquoi on n'a pas relu Les Contemplations depuis si longtemps et à se dire qu'il n'existe pas plus beau texte que Booz endormi. Nous qui étions là pour Luchini, voilà que nous écoutons Hugo. Fabrice Luchini a peut-être l'ego le plus flamboyant du théâtre français. Mais voilà qu'il l'a mis au service de Victor Hugo. Et c'est précisément cet ego démesuré qui nous fait toucher du doigt le génie d'un autre. Paradoxe délicieux.























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