
La vie invisible
Thierry, malvoyant depuis quarante ans, remonte un spectacle… dont il ne se souvient plus du tout. Avec deux comédiens, il tente de recoller les morceaux, invente ce qui manque et se débat joyeusement avec sa mémoire capricieuse. Un spectacle qui rejoue ce qu’on voit, ce qu’on oublie et tout ce qu’on fabrique entre les deux.
La critique de l'Affiche
L'avis de
Mordue
Je n'avais rien lu avant d'arriver. Je n'avais même pas mis en perspective le titre, je ne savais donc pas que le spectacle abordait le sujet de la cécité. Quand Thierry, comédien amateur aveugle, monte sur la scène pour raconter ce qui va se passer, la surprise n'en a été que plus grande. Et je n'ai fait que ça : aller de surprise en surprise. Ça va être quelque chose, d'écrire sur ce spectacle sans trop divulgâcher !
Ça commence un peu comme du théâtre documentaire. Tant mieux, j'adore le théâtre documentaire. Thierry se met à parler de la genèse du projet, de ce à quoi on va assister. Il se confie aussi un peu, crée un lien avec le public, capte l'auditoire. Le sujet dont il veut nous parler, c'est la perception. Or la perception, c'est tout le sujet au théâtre. Je ne reçois pas la même pièce que mon voisin, qui ne reçoit pas le même pièce que son voisin, etc. Le côté inception de la pièce me plaît bien. Je suis déjà embarquée.
Et puis petit à petit, sans que je m'en aperçoive vraiment, ils nous emmènent autre part. Notre perception de la pièce, celle de Thierry, celle qu'on croit attribuer à Thierry, la pièce elle-même, tout se mélange. Ce qui devait être un travail théâtral se transforme en quasi-psychanalyse. On n'est plus dans du théâtre documentaire, on est dans une vraie fiction. Et une fiction qui prend aux tripes. Les divers procédés pour nous amener dans cette histoire participent à cette sensation : on l'a observée d'un peu tous les côtés, cette histoire, de tous les points de vue, avant d'être soudainement projetés à l'intérieur. On est captifs. Et captivés.
Le trio de comédiens est d'une puissance sidérante. Thierry, que l'on découvre comédien amateur, déploie une présence scénique bouleversante. Son humilité naturelle et sa chaleur créent un contraste électrique avec l'intensité brute de Chloé Olivères et Romain Cottard. Ces deux-là sont dans une position périlleuse : comment "jouer" aux côtés de quelqu'un qui raconte son histoire – enfin, raconte-t-il vraiment son histoire ? Impossible de tricher, de surjouer, de mentir. Ils marchent sur un fil. Et ils tiennent, avec une précision chirurgicale, une vulnérabilité à vif qui happe. On reste suspendu à leurs lèvres, les yeux mouillés, la gorge sèche, les poils hérissés. On est tellement entrés dans cette histoire que, dans le public, certaines réactions sortent. On entend des "Oh !", des gens qui soufflent, s'agacent, prennent parti. Et quand le noir se fait, un seul parti possible. La salle entière se lève d'un bloc.
Les contenus

Bande-annonce
L'équipe artistique
Texte Guillaume Poix (à partir de témoignages de personnes non et mal-voyantes)
Conception et mise en scène Lorraine de Sagazan
Collaboration artistique et dramaturgie Romain Cottard
Texte publié aux éditions Théâtrales (2023)
Interprétation Romain Cottard, Chloé Olivères, Thierry Sabatier
Lumière Nicolas Diaz
Son Clément Rousseaux, Camille Vitté
Costumes Dominique Fournier, Lorraine de Sagazan, Chloé Olivères, Romain Cottard
Régie générale (en alternance) David Hanse, Charles Rey












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