La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
Parfois je fais la meuf avec mes pièces de trois heures à l'Odéon, mais si je pouvais, vous me verriez tous les soirs au cabaret. Je ne sais pas si quelque chose me met autant en joie qu'un piano et des paillettes. J’aime le côté feu d’artifice, très démonstratif, de ces soirées-là — et ce soir, je suis particulièrement servie. C'est comme s'ils n'avaient pas voulu choisir : costumes affriolants, colorés, garnis de plumes, de froufrous, de paillettes - avec dessous apparents, c'est toujours plus fun - maquillage démesuré, perruques extravagantes et plateformes qui donnent le vertige... On porte beaucoup de hauts, très peu de bas, ce soir-là, sur la scène du Théâtre de l'Atelier. Ça brille, ça déborde, ça vit. Me voilà à la fête.
Vous pourriez me demander ce qu'ils font et où ils vont, j'aurais dû mal à vous répondre. Je pourrais simplement vous dire qu'ils le font à merveille. Qu'ils chantent, qu'ils font le show, qu'ils sont éclatants. Qu'ils vont partout, là où ils ont envie d'aller, et que c'est très bien ainsi. Qu'ils empruntent au café concert, au cabaret, au drag show, pour en faire un truc à eux. Que Cabrel côtoie Lady Gaga, que Nat King Cole croise Georgius, qu'il y en a pour tous les goûts, et que les mondes se télescopent joyeusement. C'est ce que je préfère. Tout le monde s'y retrouve forcément. On est pris, de toute façon. Que ce soit la joie des retrouvailles avec une chanson qu’on connaît bien ou la joie d'une rencontre avec des paroles inconnues, tout n'est que joie.
Cette palette de chansons, c'est aussi une merveilleuse occasion pour les artistes de tout montrer : leur sens du jeu, leur humour, leur émotion. Chansons à texte, chansons à rire, chansons à frisson — et parfois tout ça en même temps. C’est une démonstration, mais jamais démonstrative. J'aime cette ambiance où on ne se prend pas au sérieux mais où on fait quand même les choses bien. Où c’est parce qu’on adore les chansons qu’on propose qu’on se permet ce petit décalage, là, tout léger. Celui qui nous amène presque au second degré, mais pas tout à fait. Celui qui manipule à la fois la distance par rapport aux paroles, une légère ironie, et, malgré tout, une grande poésie. Et un amour de la chanson.
Et puis Sinistre et festive, c'est aussi une découverte. Jonathan Capdevielle, c'est un nom que je connais, j'ai vu Adishatz / Adieu il y a quelques années - quelque part, "j'avais confiance". Mais je découvre Jean-Luc Verna. La claque. Le gars est incroyable. Tout en lui n'est que show. Déjà physiquement, recouvert de tatouages, il est à part. Mais ce n'est pas du tout le plus marquant. Sa voix, sa présence, ses punchs, son flow - son cul - tout est performance. Il porte en lui une espèce de richesse, de pluralité, complètement étonnante, et peut-être jamais vue. Ah oui, et j'oubliais. Le mec est plasticien. Genre comédien-chanteur, c'est pas son métier. C'est pas son "vrai" métier, comme dirait ma belle-mère. C'est donc ça, être artiste ? Waouw.