La critique de l'Affiche

L'avis de
Mordue
A quoi s'attendre, devant un spectacle qui s'appelle Comme tu me vois - Récits d'une grossophobie ordinaire ? À un moment gênant ? À une leçon de morale ? Pas du tout. Comme tu me vois montre. Raconte. C'est là tout l'effet. La mise en scène est sobre et c'est très bien comme ça. On entend tout. On entend les chiffres. On entend les injonctions au beau, c'est-à-dire au mince - qu'on a peut-être nous-même déjà relayées. On entend le poids, celui du corps mais surtout celui du regard des autres. Celui des parents. Celui des médecins. Celui des partenaires. Celui de la société.
Gregori Miege est fascinant. Pas évident de tenir la salle en haleine avec ce sujet. Et pourtant. En alternant habilement ses témoignages, ses ressentis il nous transporte dans son quotidien. On change de point de vue, tantôt dans sa tête, tantôt observateurs extérieurs. Et dans ce va-et-vient, on entend la honte, la colère, la critique d’une société qui ne sait pas accueillir tous les corps. Il est touchant, ne force jamais le trait. Sans pathos, mais sans concession. Les mots se suffisent à eux même. Il passe par tous les styles - tantôt intime, parfois plus léger, presque drôle, poétique, lyrique, descriptif, médical. Il se met à nu - littéralement, d'ailleurs. Et quand il se met à danser, quelque chose bascule. Ce corps, qu’on regardait peut-être avec distance, on le voit autrement. Non plus pour sa taille. Juste pour sa beauté. Sa présence. Sa grâce. Son corps est un instrument, et il sait en jouer.
La scène, nue au départ, voit peu à peu surgir les lettres géantes de HONTE. Elles s’imposent. Massives. Incontournables. Elles deviennent presque des partenaires de jeu - ou des adversaires ? Il se faufile entre elles, les contourne, les affronte. La honte est partout. Elle est son décor. Et si, en sortant, on se demandait si elle ne devrait pas être un peu la nôtre ?